Carpe Diem mon cul!

Attention, pour tous ceux qui arrivent à faire comme si on n'allait jamais mourir, ne lisez pas cet article. Il est issu d'une réflexion in-situ en plein tatage de phlébite la patte en l'air, associée à l'attente sereine et réfléchie de résultats de frottis. Sachez messieurs que de déposer ses semi-entrailles dans une boîte aux lettres, puis d’attendre que le facteur qu’est-pas-passé nous ramène le résultat de l’analyse de nos glaires est 1) humiliant (faut se balader déjà avec le machin dans la rue) 2) angoissant. Bref, cette incertitude sous-jacente pourrait colorer cette réflexion sur le Carpe Diem non de rouge, mais de noir. Bon, mettons par exemple que quand je m’endors comme une masse, je me relève direct parce que j’ai l’impression de faire un AVC. Vous voyez le niveau de détente.

C’est donc malgré de rigoureuses respirations en double crochet prescrites par mon relaxateur à 120 euros la séance que je suis amenée à me questionner sur cet adage tellement rassurant : Cueille le jour présent vu qu’on va tous clamser !

Etant donc dans un moment de quiétude et de méditation comme seules les maîtres ès hypocondrie peuvent les connaître, je m'interroge quant à savoir si ces angoisses sont plutôt dues à mon côté Madame ou à mon côté Meuf. La première impression voudrait que ce sentiment qu'on va claquer d'un instant à l'autre au premier aphte ou à la moindre fourmi dans le bras gauche soit un truc de vieille. Fourmis qu'on est évidemment capables de se créer en pleine conscience façon "tu le sens-là le caillot ? Tu le sens ? Ah oui, peut-être en effet. Ah oui, c’est sûr même."

En général, les conneries de "hakuna matata" (Le Roi Lion - public d’enfants de 6 ans) ou les Carpe Diem façon reggae de rastas blancs ça passe avec l'âge. C'est vrai ça d'ailleurs, combien de rastas blancs en conseiller fiscal au Crédit lyonnais ? Ah! Ça fait moins le malin une calvitie plus tard l’ex rasta blanc, dans son costume Célio marron-bordeaux. Et ça te propose des assurances-vie et non plus de triper sans penser à demain. Bref, les pensées pascaliennes ou desprogiennes à la "vivons heureux en attendant la mort" c'est quand même généralement plutôt un trip de vieille. 

C'est vrai que quand tu dansais en ras la moule sur les bars et te cassais la gueule en essayant de te faire allumer ta clope à la Marylin/penchée en avant/le cul en arrière, tu te demandais pas forcément le sens de la vie ! C’était pas ta huitaine de kirs-pêches au Barfly, ta douzaine de Bacardi Breezers à London, ta vingtaine de Coucaracha (ya no puede caminar) au karaoké qui t’empêchaient de dormir à l’époque. Ou plutôt qui t’empêchaient de te réveiller complètement relax en mode c’était trop cooool !!! On remet ça ?

Tu pouvais, par exemple, manquer de foutre le feu à ton appart’ en t’endormant des frites dans le four ou écraser un peu entre deux bagnoles pour couper la route du retour sans en faire une catastrophe. Aujourd’hui, malheureuse, tu as 2 minutes de non-traçabilité et de vague incertitude et c’est parti pour une journée d’agonie.

Et c’est normal, tu es plus dans un trip gérons à fond notre mortalité : du tofu 1 point de vie en plus, une cuite du mardi 7 points en moins, un gros dodo à 22h +3 points... Sachant qu'en plus tu lis souvent de bons articles de fond sur buzzfeed qui te donnent les 23 tuyaux pour rallonger ta vie de 10 ans, tu as donc tous les outils en mains. Mais voilà, plus la Madame gère, plus la Meuf pousse derrière. Et plus Madame control-freakise, plus le lâcher-prise frôlera le laisser-aller...

Avec ton côté Meuf qui reprend le dessus, vas-y pour essayer de gérer ton Carpe Diem post-cuitum de Madame (donc ta descente aux enfers "je vais claquer, j'aurais pas dû, tu crois que c'est grave le vin blanc ?") Et c'est généralement là que tu aimerais que ton papa et ta maman te disent que nooooon bien sûûûr on va pas mourir et que ça vaaaaa c'est pas grave, d’aucuns utilisent la beuh comme un médicament d'ailleurs. (Bon en même temps, les parents qui balancent ça à leurs gamins y en a peut-être pas non plus des pelletées).

Voilà, on n'a qu'à dire que tout ça c'est la faute de tes parents, qui se sont bien foutus de ta gueule en te disant que tante Jacqueline elle allait pas claquer à J-1 du faire-part de décès. Tu peux mettre ça sur le compte de tous ces bullshits qu'on t'as rentré dans la tête quand t'étais plus jeune. "T'as vu? la moitié de ta famille a claqué par ta faute" (Le Roi Lion, Némo) mais "hakuna matata hein, relax c'est flex ça va bien se passer"! Ou les Carpe Diem "Lisons de la poésie en slip et soyons anticonformistes comme des ricains suicidaires" (Le Cercle des poètes disparus NDLR). Bon... On y croit vraiment? Non, évidemment! Mais on culpabilise de ne pas être capable d'y croire! De ne pas y arriver sans avoir recours à des anabolisants de bonheur (alcool, drogue, Xanax). 

En proie à la recherche du sens de la vie et de la supportabilité de notre finitude (restez hein, c'est quand même un blog de meuf, dans deux secondes je vais parler télé-réalité) tu te prends à lire de la philo en terrasse (à l'ombre c'est plus prudent) la mine grise et inspirée. Pendant que tes voisins de table de 21 ans débriefent "Moundir et les aventuriers" parce que c'est vraiment trop fat! Quelle belle leçon de vie! Et oui, Tkt! Plutôt que de bader, vas donc t'enjailler avec tes soss et Yolo quoi*!


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Bien-êtreMadame Meuf