Quel casting pour une soirée de merde?

Youpi youpi chouette, c’est bientôt mon anniversaire. Voici encore une occasion de faire une belle soirée de merde. L’anniversaire, je préfère ne plus en parler. Une psychanalyse jusqu’au jour de ma mort (en 2079 mettons) ne suffirait pas à m’aider à sauter cette étape haut la main comme une véritable Jean Galfione (ou avec Jean Galfione à défaut, ça m’aiderait peut-être). L’année dernière, c’était en plein Euro 2016. Un banc de gonzesses engoncées dans leurs cocktails versus un banc de mecs qui vivaient le match à grands coups de pinte qui déborde. Et moi au milieu qui tentais de créer du liant en faisant déborder mes cocktails et en m’engonçant de plus en plus dans mes pintes. La soirée, quand ça veut pas, ça veut pas. Tu avais peut être misé sur un assortiment de gens aussi varié qu’une boîte d’apéricube ou sur ta propre capacité à apprécier le moment, mais non.

Alors, quels sont les éléments indispensables pour passer une bonne soirée de merde? Eh bien, ça n’est pas compliqué, il suffit qu’il y ait des gens. Vous me direz, oui, mais sans gens, pas de soirée! Tout à fait, à moins d’être (feu) l’ermite des Alpes ou de considérer que lire « Voyage au bout de la nuit » soit la panacée en matière de vie nocturne, il est compliqué de festoyer seule avec soi même.

Nous considèrerons donc la présence de « gens-gentis* » comme un préalable. Et même de « gens gentis" gentils et que tu aimes bien hein, eux aussi peuvent être la source de ton ennui. En effet, le gens que tu aimes bien peut très bien venir accompagné d’autres sortes de gens - dont on n’aurait aucune traçabilité comportementale en soirée. Voire même, le gens que tu aimes bien pourrait se trouver fort mal luné. Enfin, le gens totalement extérieur peut également se présenter comme un facteur de trouble non négligeable. Et en dernier lieu, ne l’oublions pas, le gens ça peut être toi, et tu le sais, tu peux être bien relou des fois!

Le gens inconnu et qui aurait dû le rester

La catégorie la plus classique de perturbateur de soirée est évidemment l’inconnu-basique-typique-on-va-se-faire-chier-comme-des-rats. Commençant ses phrases par « honnêtement » et les terminant par « carrément », tu as compris en cinq minutes qu’il allait t’apprendre la vie en étant persuadé d’être passionnant. Assez répandu dans les professions narcissicantes type journaliste, médecin ou start-upper, il considère que tu as envie d’entendre par le menu sa prépa, la croissance externe de sa boîte, ses chasseurs de tête et ses perspectives d’avenir. A la fois blasé et intarissable, tu es quasi sûre de ne pas pouvoir t’en sortir, hormis à le planter au premier « Confidence pour confidence » en hurlant j’adoooooore cette chanson (hélas lui aussi, évidemment). Il coule de source qu’aucune question ne te sera posée en retour, donc si tu ne le relances pas, possible qu’il se trouve une autre proie après l’épisode danse de la fuite.

Le gens que-tu-as-invité-mais-pourquoi??

La soirée de merde chez toi ou à ton initiative est évidemment la plus dure à encaisser. Outre les erreurs de casting qui vont mettre à mal tes munitions décollage de soirée en ramenant des trucs imbuvables, tu es dans l’obligation d’apparaître comme naturellement cokée dès 20h07 pour que la sangria prenne. Tu n’as hélas aucune gestion par puce électronique du cerveau de tes convives, qui seront peut-être- comme de bien entendu et comme par hasard - claqués claqués ce soir là. Bien sûr, manquait plus que ça. 

Tu ajoutes à ça qu’il y a forcément la meuf qui connaît personne que t’aurais pas dû inviter, à qui tu te sens obligée de tenir le crachoir toute la soirée sans bouger d’un iota. Pour peu que sa solitude s’explique par tout un tas de facteurs glauques tendance malheur, te voilà bonne pour déglinguer à deux la bouteille de vodka à côté de vous. Gare au malaise vagal quand tu te relèveras.

Le gens à qui t'as rien à dire

Sans que ça atteigne les seuils de l'innommable du type "il fait lourd" (quoi de plus atroce que cette expression "il fait lourd", qui sous-tend qu'on serait pas content alors que merde! il fait bon pour une fois, bouclez là!) il s'agit là de quelqu'un que tu connais suffisamment pour savoir que tu ne dépasseras jamais le stade de la conversation "les goûts et les couleurs". Tu aimes le sud-il aime mettre des tricots sur les épaules, tu aimes Paris-il aime sarcler son jardin, tu aimes te coucher tard, il aime rénover sa maison avec des parpaings à 6 du… Et puis, c’est mieux, évidemment. Chacun fait sa baston de pouce ou son bras de fer imaginaire pour dire que ce qu’il préfère est nettement supérieur. Aucun débat possible. Le rien à dire peut également toucher l’ami de toujours qu’on voit moins (éclate garantie de résumer 9 mois d’engueulades avec ton mec et ton patron en soirée), ou que tu vois tout le temps (tu t’es déjà tout dit à midi).

Le gens voisin

D’autres éléments extérieurs relevant du facteur humain peuvent également mettre à mal toute cette bonne ambiance que tu t’évertues à mettre avec une pression de malade complètement cool et chill et relax. Le perturbateur numéro un est évidemment le connard de voisin. Comme d’habitude, tu as collé ton petit mot dans l’entrée, « on est vraiment désolés, on veut pas vous embêter et passez si vous voulez ». Auquel, s’il répondait par la positive en passant avec sa tête de croque-mort, que t’en serais bien embarrassée. Tu as parfois des voisins spectaculaires qui font des sorties hystériques telles, que ta soirée en rentre dans les annales. Là, bon, c’est quand même fendard, surtout qu’avec un peu de chance tu pourras recevoir des flics chez toi, réagir n’importe comment, envoyer toutes les meufs bourrées négocier, bref c’est mémorable, tu as gagné, ta soirée ne sera pas considérée comme moisie. 

Le gens complètement incontrôlable

Dans la catégorie chez toi, tu as aussi la soirée incontrôlée, qui part complètement en glande génitale des individus mâles. Ça se drogue au dessus des brosses-à-dents de tes enfants, ça écrase sa clope au plafond, ça perd des pansements dans ton lit (?!?), ça dort dans les fleurs devant chez la concierge… Mémorable, pas chiante, mais quand même relativement pénible si tu ne veux pas mettre ton estime et ton appart' à la poubelle le lendemain. D’autant que si tu as laissé faire n’importe quoi, c’est que tu devais être toi-même assez distinguée. Va te voir dans la glace, sait-on jamais, tu t’es peut-être fait couper les cheveux au couteau à pain ou cassé une dent en faisant du roller sur des éponges spontex. La perte de contrôle peut également se manifester en extérieur (insultes à inconnus en bande, bris de verre, menace à videur molosse) et là c’est la porte ouverte au pain dans la gueule. Un seul conseil: pour une fois, partage un Uber avec la meuf qui rentre toujours quand tu devrais rentrer.

Le gens qui se met une pression d’enfer: toi

L’ultime facteur de soirée pourrie-gâchée c’est évidemment toi, quand tu te mets en mode pourrie-gâtée. Si tu arrêtais cinq minutes de te mettre la rate au court-bouillon comme si tu organisais le mariage de Lady di, ça pourrait peut-être t’éviter un stress que tu surmontes à grands coups de Sauvignon et qui risque de finir allongée en PLS dans ton vomi, en reniflant tes larmes de dépit. Attention, cette attitude peut également survenir quand tu joues en extérieur, donc avec moins de pression personnelle.  Mais pour je ne sais quelle raison - la vexation? la jalousie? le déni? le Sauvignon? (décidément!!) - tu peux finir par chialer ou, pire, par t’engueuler comme une malpropre avec le gens que tu aimes bien (au premier rang desquels ton pauvre mec qui n’avait rien demandé). 

Tu crois alors avoir touché le fond quand tu dois reprendre tout ton répertoire le lendemain pour savoir si tu n’as pas été trop pénible (ben si). Mais relativise, ça aurait pu finir aux urgences de Lariboisière-maladie noesocomiale-décès. Et ça c’est moche.

Allez, la prochaine fois je vous raconterai cette soirée d’un mortel ennui où j’en ai profité pour faire une analyse sociologique ultra poussée sous fort taux de THC. Mon scan à gonzesses s’était alors tout naturellement activé et j’en ai tiré une arborescence des différents types de meufs qui plaisent aux mecs (et qui m’ont du coup fortement déplues - i.e. soirée de merde…). 

* Si tu as oublié ton Gaffiot, sache qu’il s’agit de la troisième déclinaison des noms imparasyllabiques dont le génitif pluriel finit en ium, génitif singulier. Bref, ça veut vaguement dire les gens (ou ensemble de familles patriciennes et plébéiennes. Ton crew quoi).