Manuel de conversation pour les fêtes

Noël, cette grande machine à vapeur. Humidité dans les rues, moiteur dans ta doudoune dans la queue à la Fnac, chaleur des échanges de cadeaux avec le vendeur du Mondial relay, candeur des lettres au Père Noël par mail avec lien direct vers le produit désiré… Tous les éléments sont réunis pour que ça s’excite sous la cocotte avant même que ça n’ait commencé. Tes dernières vacances datant généralement de l’ancien testament, il serait idiot de gâcher tes sacro-saints jours de trêve en transformant ça en machine à aigreur. Tous les ans c’est la même limonade, cette vague histoire d’échange de dépenses et de dépense d’énergie au service des échanges…humains. Donc pour que tu ne sois pas pris au dépourvu, attends-toi également à ce que la conversation à table soit comme d’habitude. Petit guide pratique si tu veux passer ton tour sur l’engueulade cette année et rester bien au calme dans ta tête pendant que les cheminées, les belle-mères et les esprits fument.

« J’te dois combien - File ton RIB »

Une fois de plus, la palme du marronnier de Noël dans la catégorie conversation sera attribuée à l’échange de coordonnées bancaires, chèques, ou autre moyen de remboursement des joyeusetés. Sachant qu’il y aura toujours injustice sur le mec qui t’en parle quand son TGV ferme ses portes et sur quand t’es Célib’ et que tu fais des cadeaux à mille gamins, quand toi on t’en fait un, et encore, c’est toi qui l’a acheté. Aucun remboursement, par contre, pour le temps que TU y auras passé, pendant que les autres que dalle, mais rappelle-toi, cette année c’est Feng chui dans ta tête, détente, repos. 

« Bientôt on pourra plus rien dire »

Impossible cette année de faire l’impasse sur le Balancetonporc. Mais rassurez-vous, les traditionnelles blagues graveleuses, les hommes aux huitres et les femmes en cuisine persisteront. Ce sera juste suivi de remarques scandalisées le poing levé pour les familles hamonistes. Ou de commentaires façon « profite-zen qu’on te regarde encore, après tu viendras pas te plaindre » pour les plus Sardousiennes.

Les députés, l’argent public, tous pourris

Cette année, le thème « Faut arrêter de nous fist-fucker comme des chapons" devrait avoir bonne presse dans la quasi intégralité des foyers français, sauf éventuellement dans la Sarthe. Sujet on ne peut plus fédérateur, on te conseille d’y adhérer sans hésiter, puisqu’il rassemble aussi bien chez les Frontistes que chez les Front de gauchistes. Un point en plus si tes convives font partie des téléspectateurs engagés, qui considèrent Elise Lucet comme la nouvelle Jeanne d’Arc. 

Les crèches et les santons dans la Cité

Même veine de sujet, mais terrain glissant, prudence. Une règle simple à suivre: scanner la déco et le titre des bouquins. Du Jean d’Ormesson à tous les étages annonce que l’on peut être en terrain « un très joli Urbi et Orbi cette année ». Sachant que même chez Les Républicains on n’est plus foutu d’avoir un avis unanime sur « faut-il laisser des petits jeunes s’humilier publiquement en pleine adolescence déguisés en crèche humaine », il semble raisonnable d’être d’accord avec le dernier qui a parlé.

Le travail

Ici également deux tendances phares: les branleurs et les bosseurs. Qui seront dénommés dans les familles du camp adverse les décroissants et le grand capital. Bon, on ne vous le cachera pas, il n’est pas aisé de survivre à Noël en étant Délégué intersyndical à la SNCF dans une gentilhommière de propriétaires terriens du Bordelais ou spécialiste du bitcoin dans une famille d’intermittents du spectacle.

Johnny

Johnny, ce Victor Hugo de Saint-tropez, sera sûrement dans tous les esprits à Noël. Les coffrets pleuvront au pied du sapin. Eviter toutes les blagues à base de sentir le sapin et de « enfin Johnny réuni dans un coffret en sapin ». Avec un peu de bol vous pourrez crâner en dénichant un Johnny chante Noël, sorti pile à temps, qui coupera court à toutes les conversations. 

Les enfants et les écrans

Sachant que tout le monde a envie de picoler tranquille, que les cris ça fait du Larsen dans les sonotones et que les grands-mères aimeraient pouvoir préserver leur service en faïence, il est convenu sans mot dire que les mioches se feront un jubilé télé. Un téléthon de Noël au service de la paix familiale. Mais en te rappelant quand même à table que c’est la démission de la parentalité, que ça rend con et agressif et que c’est pas comme ça qu’on en fera des surdoués ou des artistes.

La bouffe

Sachant que ceux qui en ont marre de trop bouffer à Noël sont généralement ceux qui préparent la bouffe, il n’est pas aisé de la ramener si on ne te sert que des trucs froids, alors que c’était mieux avant, avec la poularde en vessie de tante Yvonne. T’avais qu’à t’y coller. Ce sujet de conversation bouffe n’est autorisé qu’aux personnes ayant effectivement mis la main à la pâte et fait 12 aller-retours différents dans tous les Picard de la région pour réussir à abreuver chaque convive de son fagot de haricots et de son pruneau lardé. 

Le bio, le dev dur, les bobos, les vélos

Les sujets green-friendly seront d’autant plus clivants s’ils opposent des parisiens et des extra-périphériens de toute catégorie. Sachant que moins le mec habitera à Paris, plus il sera scandalisé des méfaits de la fermeture des voies sur berge. Les valeurs jardin-grande maison-prix du mètre carré entreront également dans cette benne à sujets recyclables d’année en année, sachant que la seule chose qui est sûre, c’est qu’on court à notre perte. A éviter, pas assez esprit de Noël la fin du monde.

La culture

Donc les séries. « Eh que t’as pas Netflix?! Eh que t’as vu c’est pas mal les séries françaises non? ». Parfois menant à un véritable débat (tout à fait, oui, un débat!) avec exposé d’une série nouvellement découverte, présentation du sujet, de l’ambiance, références comparatives. Ça peut te faire aller jusqu’au fromage pour les mec qui ont déjà comptabilisé 17 mois de leur vie devant la télé.  Eventuellement, si notre fête de Noël fait cohabiter une petite opposition Paris-Province, prévoir un « de toute façon, t’y vas pas toi au spectacle à Paris, t’as pas le temps, t’es dans le métro ». 

Les voyages 

Les vrais. Avec des vrais gens. Si aucun gens du cru ne t’a invité à becter ou à parler du PSG, passe ton anecdote. Tout le monde s’en fout que tu te sois tapée dix fois ton poids en GO tunisiens à l’époque ou que tu aies fait des concours de cul sec avec des Australiens en Grèce. Il faut du sarouel, des détails culinaires et des K7 de musique locale en famille. C’est plus adapté à ton public disons. 

L’essentiel est là. Non dans Lactel (sujet ô combien casse-gueule, au demeurant, qui nous ferait rentrer dans le débat « Tu as vu comme ils ruinent les agriculteurs », et « le lactose on en parle du lactose???!!! » Non, merci). L’essentiel, c’est dans l’adaptation à son public. Ecoute, répétition, tout pareil, voilà la clé du succès. On rebondit, on abonde, on est d’accord, c’est ça l’esprit de Noël. Et, éventuellement, après le Calva, on peut tenter quelques sujets fédérateurs anodins ou autres défouloirs communs (le voisin que personne n’a jamais aimé, les Français à l’Eurovision, « M? tu as vu M en concert? Géniaaaal » etc.).

Avec tout ça, vous devriez bien faire les deux repas. Sachant que si c’est trop dur, libre à vous de débarrasser, faire la vaisselle et vous coller à coté du papy sourd qui vous ressert du blanc. 

 

* NDLR: Il va de soi que ce guide de conversation pour les fêtes de fin d’année peut également être resservi en toute occasion religieuse ou athée où l’on mange des gâteaux plus lourds, plus spectaculaires et plus indigestes qu’à l’accoutumée. En cas de mariage il faudra cependant ajouter quelques références au D Day, en congratulant les étoffes et les émotions et en moquant gentiment quelques specimen bien choisis. 

Famille, LifestyleMadame Meuf